Les origines de l'imprimerie Kundig remontent à la Maison d'imprimerie Carey, fondée en 1832 par Elie Carey au 285 de la rue Verdaine. Ce typographe, issu d'une vieille famille genevoise, avait acquis des caractères grecs et s'était spécialisé dans les belles impressions classiques et scientifiques.
A sa mort en 1867, son fils Jules Carey en reprend la direction et, après quelques déménagements liés aux transformations de la ville, installe l'imprimerie au 3-6 rue du Vieux-Collège.
En 1892, elle est achetée à sa veuve par Wilhelm Kündig (1833-1908, dit William, parfois Guillaume ou Henri Guillaume), originaire de Zell dans le canton de Zurich. Le patronyme Kündig se francise dans les décennies suivantes jusqu'à perdre définitivement l'usage de son tréma, orthographe que nous avons adoptée pour tous les membres des générations suivantes.
William Kündig avait fait son apprentissage de libraire à Bâle chez Georg, puis était parti travailler à Londres. Il fut rappelé vers 1860 par les libraires bâlois afin de diriger leur nouvelle succursale genevoise au 10 rue de la Corraterie. Après quelques années au cours desquelles il acquiert la bourgeoisie genevoise, il devient associé de la librairie Georg et ouvre parallèlement sa propre librairie (selon une inscription G. Kündig dans l'annuaire, à l'adresse de son domicile au n° 88 bis de la route de Chêne).
En 1899, un article du "Journal de Genève" du 25 octobre déplore le départ de W. Kündig après 38 ans à la tête de la fameuse Librairie Georg et sa reprise par son propriétaire Henri Georg-Neukirch. Une nouvelle librairie à l'enseigne H. Kündig est aussitôt ouverte... au 11 rue de la Corraterie, juste en face des Georg, et sa direction est confiée à son fils aîné Henri (1868-1930).
Mari volage pour son épouse américaine Caroline, née Livingston, Henri Kundig est cependant chassé de la librairie par son père et s'établit à Paris. La librairie est dirigée pour un temps par Caroline puis, à sa nouvelle adresse au n° 1 place du Lac, par le fils et petit-fils William Kundig (1893-1951). Ce dernier deviendra un spécialiste de livres anciens et d'estampes mondialement reconnu, commissaire-priseur et éditeur, notamment, de la revue artistique L'Eventail (1917-1919).
Afin qu'il connût bien le métier, William Kündig avait envoyé son deuxième fils Albert (1870-1923) se former en Allemagne comme maître-imprimeur et c'est ensemble qu'ils travaillent dès 1892 à la reprise de la Maison Carey et à l'installation de l'Imprimerie W. Kündig et fils. Conservant les traditions de la Maison et augmentant sa clientèle, leur enseigne prospère et, en 1897, de nouveaux bâtiments sur 3 étages (un bâtiment pour les ateliers et un petit immeuble d'habitation) sont construits rue du Vieux-Collège en prévision de son expansion.
A la mort de son père en 1908, Albert Kundig assume seul la direction et nomme Charles Lassieur, collaborateur de l'imprimerie depuis 1890, fondé de pouvoir. Grâce à la qualité de ses travaux, l'imprimerie devient l'une des plus importantes de la ville. Albert Kundig perfectionne l'art typographique et voue tous ses soins aux éditions scientifiques et aux ouvrages de luxe. Il est le premier à utiliser les caractères Elzévir et Didot fondus spécialement pour lui à Paris, et il importe à Genève les premières machines à composer dont l’achat est motivé par l’assurance que la SDN lui confiera l’impression de ses documents.
En 1923, à son décès à l'âge de 53 ans, l'entreprise est reprise par son fils André (1903-1980), un an après sa maturité classique au Collège de Genève, assisté dans les premiers temps par Charles Lassieur, puis de son frère Pierre (1906-1964), ses études de commerce et de comptabilité achevées. Tous deux poursuivent et fortifient la renommée de l'Imprimerie Albert Kundig qui est, en 1931, "l’une des rares maisons suisses admises à l’Exposition Internationale du Livre à Paris", comme il est précisé dans l'ouvrage réalisé à l'occasion de son centenaire avec les "spécimens de caractères de labeurs".
Bernard Bouvier, en remerciements pour l'envoi de celui-ci, écrit le 2 novembre 1932 (cf. Arch. Kundig 30/2) : "J'avais pensé [...] à ce qu'il représente de fidélité aux plus nobles traditions d'un art qui, depuis cinq siècles, font honneur à Genève. Je revoyais les figures de votre grand père et de votre père, à ces beaux exemples de science acquise, de recherche incessante de progrès, de dévouement à la science et à la littérature genevoises, de concours éclairé à ceux qui les ont servies. Leurs fils suivent aujourd'hui ces exemples, et ainsi le présent de votre maison fait honneur à son passé, et garantit son avenir. J'associe M. Charles Lassieur à ma haute estime et à ma gratitude pour votre maison".
Les crises et le chômage de 1929-1930 n’épargnent pas l’entreprise. Mais l'entre-deux-guerres, puis la seconde guerre mondiale et de nouvelles commandes d’éditeurs français sont favorables à l'édition romande. Vers 1942-1943, plusieurs éditeurs parisiens (Plon, Corrêa, Cluny, etc.) reçoivent en effet l’autorisation de faire imprimer leurs livres à Genève sous réserve de n’avoir qu’un seul correspondant pour la Suisse. André Kundig est choisi et il redistribue une partie des travaux à ses collègues imprimeurs de Genève. Il constitue également avec certains éditeurs français une maison d’édition commune "La Palatine".
En 1945, pour le cinquantenaire de la reprise de la Maison Carey, André et Pierre Kundig publient en 400 exemplaires (dont 200 hors commerce) une "Bibliothèque de voyage", coffret contenant 8 volumes, du format in-4 au format in-256 dit minuscule, composés de poèmes choisis par André Kundig ("Amours") et de textes peu connus d’auteurs classiques, et imprimés avec des caractères typographiques différents. Ce bel ouvrage inaugure la série des 44 "Minuscules", livres miniatures de pensées choisies. Avec "La Cuisine des familles" de Louis Maillard, maintes fois réimprimée entre 1896 et 1979, ce sont les seules propres éditions de l’imprimeur.
André Kundig fut un "grand patron imprimeur" et ses fructueuses collaborations avec les éditeurs André Gonin et Albert Skira ont permis la réalisation des plus beaux livres illustrés du 20e siècle.
Il fut également président et membre actif du comité de la section genevoise de la Société suisse des Maîtres-imprimeurs et reçu plusieurs distinctions, en particulier la Médaille d’argent de la reconnaissance française (1947) pour services rendus aux éditeurs et écrivains français pendant la guerre – dont Jean Lescure pour l'anthologie "Domaine français" de la revue Messages 1943 ou Vercors pour "Le Silence de la mer" - , ainsi que les Palmes académiques (1952).
C’est ainsi que pendant près d'un demi-siècle, sous la raison sociale Imprimerie Albert Kundig SA, André et Pierre Kundig, assistés de précieux et fidèles collaborateurs tels Auguste Griess, Marc Barraud, André Vauthier, et rejoints en 1955-1956 par les fils d'André, Blaise Kundig (1929-2003) et Philippe Kundig (1931-2019), ont conservé, aux côtés des installations les plus modernes, le matériel nécessaire au maintien de la tradition de la belle typographie manuelle pour l'impression d'ouvrages de bibliophilie et de qualité.
En 1985, l'Imprimerie Kundig, qui avait depuis quitté son berceau de la rue du Vieux-Collège pour Châtelaine, devient la Société SRO-Kundig, nouvelle raison sociale résultant de sa fusion avec Service Rapide Offset. Rachetée à la famille en 1989, elle emploie près de 75 personnes jusqu'en 2005, ce qui en fait la deuxième plus grande imprimerie du Canton de Genève après Atar Roto Presse.
En 2014, elle est à nouveau contrainte de déménager de ses locaux pour s'installer à Versoix. La Société SRO-Kundig est finalement mise en faillite le 1er octobre 2015.
(D'après, notamment : Philippe Kundig, "L'Imprimerie Kundig. Genève", 2018)