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Fonds Auguste Lemaitre Inventaire complet (pdf)

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Présentation du fonds

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  • Nom du producteur
    Lemaitre, Auguste (1887-1970)
  • Présentation du producteur

    Auguste Antoine Lemaitre est le descendant d’une vieille famille d’origine cévenole et huguenote installée à Genève depuis le XIXe siècle. [...]. Auguste Lemaitre vient au monde à Carouge le 14 octobre 1887. Second enfant d’Auguste Micaël (1857-1922) et de Marguerite Lemaitre, née Pin, il restera l’unique garçon de la famille après la mort prématurée de son frère aîné Théodore en 1893, dans sa septième année. Sa soeur cadette, Julie, naîtra le 10 juillet 1889. De l’enfance d’Auguste, nous ne savons pas grand chose, si ce n’est qu’elle semble avoir été tranquille et à l’abri du besoin. Baignant dans un contexte culturel et social favorable, sans doute motivé par un père curieux et érudit, il effectue un parcours scolaire brillant qui le mène au Collège de Genève en section classique.

    Très tôt naissent chez lui le besoin de servir, d’être utile, et un fort sentiment social, qui l’orienteront avec assurance vers un destin pastoral. "La tâche de pasteur m’est tôt apparue belle et hautement utile. Ce n’est cependant que tout à la fin de mes études secondaires que je me suis senti décidé à embrasser cette carrière. Le cours d’instruction religieuse de M. Henry Berguer m’a fait pressentir la place centrale, unique que doit occuper le facteur religieux dans une vie humaine normale".

    Après l'obtention de son diplôme de maturité, Auguste Lemaitre entre en 1905 à la Faculté de théologie protestante de l’Université de Genève. Là, il sera notamment formé par les professeurs Georges Fulliquet et Ernest Martin, dont l’influence se fera sentir tout au long de sa carrière future. Sa curiosité naturelle l'amènera également à suivre des cours dans d’autres facultés, en philosophie et en sciences sociales par exemple. Il complétera d’ailleurs sa formation de théologien par un semestre d’études à Marbourg en 1908-1909, où il perfectionnera son apprentissage de la langue de Goethe en suivant les enseignements d'Adolf Jülicher et de Karl Büdde.

    Sa licence en poche, il accomplit des suffragances à Genolhac ainsi qu’à l’Eglise luthérienne du faubourg St-Antoine à Paris. La vision de la misère et des ravages de l’alcoolisme des quartiers ouvriers de la capitale l’impressionneront durablement, et susciteront notamment son adhésion inconditionnelle à la ligue antialcoolique de la Croix-Bleue, ainsi que son engagement et un dévouement sans faille auprès des populations en difficultés. Auguste Lemaitre profitera aussi de son séjour à Paris pour suivre quelques cours du philosophe français Henri Bergson.

    En 1911, il soutient à Genève une thèse de baccalauréat en théologie sur une question qui le préoccupe : "Comment poser l’affirmation de l’immortalité?" Il y prend le contre-pied d’Aloys Berthoud, théologien genevois maintenant oublié, qui opposait violemment religion naturelle et révélation biblique.

    Consacré au Saint Ministère dans la cathédrale St-Pierre par le pasteur Henry Berguer le 19 novembre de la même année, Auguste Lemaitre part aussitôt pour Liévin, grande cité de 28’000 habitants à la limite du bassin houiller du Pas-de-Calais. Secondé par sa jeune épouse, Odette Privat, dont le sens spontané de l’humain et le dynamisme communicatif complètent admirablement ses aptitudes, il se dépensera sans compter pour une communauté de mineurs adhérant à la Croix-Bleue et tentera d’en arracher le plus grand nombre à l’alcoolisme.

    De retour en Suisse pour un bref séjour, il est surpris par la guerre de 14. Mobilisé comme caporal dans l’infanterie, il obtient rapidement d’être libéré de ses obligations militaires et rejoint sans tarder sa paroisse en France. Il arrive à Liévin le 5 septembre 1914, lors des triomphantes journées de la Marne, mais les apparents succès de l’armée française se transforment rapidement en déroute.

    Après un mois de septembre calme, Auguste et Odette sont spectateurs et témoins directs de l’avancée allemande : les "poilus" se replient en pleine débandade, laissant la place aux agresseurs qui s’emparent de la ville dans la nuit du 4 au 5 octobre 1914. Onze mois durant, les époux Lemaitre vivent au milieu des bombardements, de la souffrance et de la douleur, à quelques kilomètres du front, frôlant parfois la mort pour sauver des vies. Ils s’occupent de l’ambulance, recevant jour et nuit des blessés de première ligne apportés tels quels sur des civières, "la figure écrasée, les habits collés au corps par une croûte de terre et de sang coagulé". Auguste assure les cultes, les services funèbres, la scolarisation des enfants, et met toute sa personne au service des autres pour améliorer leur quotidien. Grâce à sa connaissance parfaite de l’allemand, il est le trait d’union entre l’occupant germanique et la population.

    Vers le 20 juin 1915, tout droit de circuler lui est retiré. Le 7 juillet, sa demeure est partiellement détruite par un obus, puis on l’empêche de présider un service funèbre. La méfiance allait croissant, il fallait songer au départ. Obligés de quitter leur poste, les époux Lemaitre partent le 1er septembre 1915 de Lens pour Valenciennes, et passent trois semaines de quarantaine à Condé. Le 24 septembre, ils arrivent à Schaffhouse.

    Auguste Lemaitre décrira l’invasion et l’attitude des vainqueurs momentanés et de leurs victimes dans une brochure publiée en 1916 sous le titre "Un an près des champs de bataille de l’Artois", texte basé sur ses souvenirs de guerre consignés dans deux cahiers de mémoires autographes.

    Après un court séjour à Genève, il part pour Bruay, puis accepte le poste vacant de Bessège dans le Gard, qu’il occupera jusqu’en 1919. Cette même année, la paroisse de Plainpalais, poussée par des impératifs démographiques, envisage de créer le Centre de la Jonction, destiné par la suite à conquérir son autonomie. Pour cela, elle fait appel à Auguste Lemaitre qui y donnera durant treize années le meilleur de lui-même.

    En 1924, il consacre sa thèse de licence (équivalent au doctorat actuel) à "La Pensée religieuse de Rudolf Otto et le mystère du divin". Le 17 novembre de la même année, la Faculté de théologie allait connaître une perte importante. Son professeur de dogmatique, Georges Fulliquet, déjà retenu par la maladie au semestre d’été, lui était enlevé. Pour sa succession, une réduction des heures d’enseignement est imposée à la Faculté. L’arrêté du 5 décembre 1924 signé par le Conseiller d’Etat André Oltramare nomme comme chargé de cours Auguste Lemaitre, licencié en théologie, et lui attribue deux heures de cours et conférences hebdomadaires. Le Conseil de fondation de la Faculté autonome ne perd pas de temps pour titulariser les chargés de cours destinés à devenir professeurs ordinaires. En juin 1928, il nomme Auguste Lemaitre professeur ordinaire de Théologie systématique, chaire précédemment illustrée par Auguste Bouvier et Gaston Frommel.

    L’enseignement de Lemaitre est très diversifié. Réparti en quatre grands domaines, il se compose de la Dogmatique, de l’Apologétique, des Questions de morale chrétienne et de l’Histoire des dogmes et de la théologie. Il est également complété par de nombreux séminaires et conférences traitant de divers sujets théologiques, et par des cours de Littérature patristique grecque et latine. En 1930, il est honoré du titre de Docteur honoris causa de l’Université de Paris, et en 1936, de l’Université de Lausanne. Il assumera également la fonction de Doyen de la Faculté de théologie de Genève de 1937 à 1944.

    La carrière professorale d’Auguste Lemaitre est féconde à plus d’un égard, mais non exempte de difficultés et de luttes. En effet, peu de temps après la première guerre mondiale se produit une véritable révolution sur le plan théologique. Les courants de pensée qui avaient dominé le XIXe siècle sont non seulement remis en question mais violemment combattus par un groupe de théologiens dont le plus représentatif est Karl Barth, ancien condisciple de Lemaitre à Marbourg.

    Ce retour à la doctrine des Réformateurs mais reformulée en un langage nouveau, cette théologie de la Parole de Dieu redécouverte dans sa souveraineté, rencontrent un large écho parmi les nouvelles générations d’étudiants et rendent malaisée et parfois même douloureuse la situation des professeurs qui n’estiment pas pouvoir emboîter le pas. Auguste Lemaitre est du nombre de ceux qui résistent à la vague montante. Lui qui a été le premier à donner un cours sur Barth dans une Faculté de langue française, lui qui a poussé l'objectivité et le désintéressement jusqu'à conseiller à ses étudiants d'aller suivre l'enseignement de Barth à Marbourg, puis à Bâle, est bientôt jugé par la majorité de ses étudiants comme le représentant d'une théologie dépassée.

    Auguste Lemaitre est resté attaché avec conviction à l’enseignement de ceux qui l’ont formé, à une théologie de l’expérience, à ce qu’on a souvent appelé la tradition romande, illustrée par Vinet, Secrétan, Frommel et Malan. Il a horreur de la lutte. Son rêve eût été, sinon de siéger au plafond, comme Lamartine, du moins de marcher au centre. Toujours ouvert au dialogue, il part du principe qu’il peut y avoir du vrai en diverses tendances et incarne le "libéralisme pragmatique".

    Lemaitre a joué un rôle trop important dans l’Eglise de Genève pour que nous puissions le passer sous silence. Assidu aux séances de la Compagnie des pasteurs dont il a été par deux fois modérateur en 1934 et en 1943, membre pendant de longues années du Consistoire qu’il a présidé de 1947 à 1950 et en 1959 - 1960, il a suivi de très près tout ce qui touchait à la vie de l’Eglise et exprimé ses vues quand il le jugeait nécessaire dans les colonnes du "Messager social", en des articles clairs et souvent vigoureux. Il avait sur ce que devait être l’Eglise de très fermes convictions; il la voulait résolument multitudiniste, largement ouverte à toute la population protestante. Il tenait à son pluralisme doctrinal et à ce que toutes les tendances théologiques y eussent sans réserve droit de cité et de parole.

    Ses écrits permettent de le retrouver. Il publie des prédications, des entretiens sur la foi évangélique, de nombreux articles et textes. C’est sous le titre "Foi et vérité : dogmatique protestante", qu’Auguste Lemaitre publie en 1954 aux éditions Labor et Fides un fort volume de plus de 500 pages, oeuvre d’une vie. Cet ouvrage traite de la doctrine chrétienne de Dieu, de l’action de Dieu dans la nature, puis dans l’homme; de Jésus-Christ, du salut et de la vie chrétienne, de la doctrine de l’Eglise et de l’espérance chrétienne. Il reprend en substance l’essentiel de ses trente-cinq années d’enseignement universitaire. Salué par la critique, ce livre n'est pas destiné aux seuls théologiens : l'auteur a voulu aussi atteindre les laïcs qui éprouvent le besoin de clarifier et d'approfondir leurs convictions religieuses.

    Le Prix Daniel Colladon lui sera d’ailleurs attribué à l’unanimité en 1955 par un jury enthousiaste. Ce prix, décerné tous les 4 ans, récompense l’auteur de l’ouvrage le plus remarquable sur le protestantisme publié par un théologien genevois durant cette période.

    En plus de ses activités pastorales et professorales, Auguste Lemaitre est resté un homme d’idées et d’action. Auteur de nombreux articles et ouvrages, conférencier à ses heures, il offre l’exemple d’un théologien dont la pensée ne fut jamais dissociée de l’action. Le nombre de ses visites, démarches, cérémonies, prédications, sans parler des séances de comités dont il était membre, est proprement incalculable. Il a présidé les Amis de la pensée protestante, les Vieux-Zofingiens, la Croix-Bleue genevoise, et a été dès son origine le soutien de l'Office social, devenu le Centre social protestant. Jusqu’à ses derniers instants, il acceptera les plus humbles obligations.

    L’année 1960 est marquée par le départ à la retraite d’Auguste Lemaitre, après 35 années d’enseignement. La retraite ne signifie pas l’inaction pour lui; il conserve son activité de rédacteur en chef du Messager social comme son intérêt vigilant pour la Croix-Bleue. En 1964, une difficile épreuve s'impose à lui; la maladie emporte "Doudy", sa tendre et chère épouse, compagne de toute une vie.

    Pasteur dans l'âme jusqu'à la fin de sa vie, il continue ses visites auprès d'anciens paroissiens et catéchumènes dans tout le canton, et préside des cultes et des cérémonies jusqu'à l'extrême limite de ses forces. Après une longue maladie qui l’épuise deux années durant, Auguste Lemaitre s’éteind le 10 mars 1970 à l’âge de 82 ans.

    Devant une très nombreuse assistance, le pasteur Jean Rilliet préside le service funèbre célébré à sa mémoire en la cathédrale Saint-Pierre. Les autorités civiles, l’Eglise nationale, la Faculté de théologie, diverses délégations et de nombreux amis assisteront à ce dernier hommage.

    [Christian Liechti, 1997]

  • Historique de la conservation

    Ces papiers ont été rassemblés par la famille Baroni-Lemaitre à la suite du décès du pasteur Auguste Lemaitre le 10 mars 1970. Ils ont été légués à l'Union protestante libérale, avec les nombreux livres constituant sa bibliothèque personnelle. A l’origine, l'Union protestante libérale avait pour projet la création d'une "Fondation Auguste Lemaitre" dans le but de mettre à la disposition du public les ouvrages et les papiers personnels du pasteur et professeur à des fins de consultation et de recherche scientifique, et de propager les principes du protestantisme libéral. Une première étape consistant en l’aménagement de la Bibliothèque Auguste Lemaitre au sein des locaux de l’Union protestante libérale, sise au n° 1 de la rue Pierre-Fatio, a donné lieu à un travail de diplôme de bibliothécaire effectué en 1971 par Mlle Françoise de Perrot. Pour diverses raisons, le projet n’a pas été mené à son terme, et les manuscrits et papiers personnels d’Auguste Lemaitre n’ont pas été traités ni intégrés à la bibliothèque. Conscient de l’importance et de la valeur de ces documents pour l’histoire du protestantisme romand du XXe siècle, le Comité de l'Union protestante libérale présidé par M. Daniel Baroni, neveu du pasteur Auguste Lemaitre, a finalement décidé de les donner à la Bibliothèque de Genève afin que le fonds "Lemaitre" soit traité et mis à la disposition du public.

  • Modalités d'entrées

    Don de l'Union protestante libérale par M. Daniel Baroni. (Bibliothèque Auguste Lemaitre)

  • Numéro(s) d'entrée
    1987/038 et 1995/012
  • Présentation du contenu

    Papiers personnels, correspondances, oeuvres, papiers scientifiques, cours, sermons, carnets de notes, agendas pastoraux, manuscrits de tiers

  • Mode de classement

    Par série

  • Modalités d'accès

    Libre

  • Modalités de reproductions

    Selon le règlement

  • Bibliographie

    Liechti, Christian, "Les papiers Auguste Lemaitre : traitement et classement d'un fonds au Département des manuscrits de la Bibliothèque publique et universitaire de Genève", Genève : Bibliothèque publique et universitaire, 1995. Travail présenté à l'Ecole supérieure d'information documentaire pour l'obtention du diplôme. Texte intégral. ftp://ftp.geneve.ch/Heg/id/travaux/td/td95/liechti.pdf

  • Note(s) de l'archiviste

    Description réalisée par Christian Liechti en 1997 dans le catalogue dactylographié 36, f. 52-156. Les données de cet inventaire ont été intégralement ressaisies, adaptées aux normes ISAD(G) et enrichies d'une indexation dans cette notice XML par Aurélie Pieracci en 2013.


    La table des matières du catalogue 36 (f. 54) fournit la structure de cette notice XML; les titres en sont complétés à partir de l'inventaire détaillé.


    Dans l'inventaire original, le producteur du fonds est parfois nommé Auguste Antoine et parfois Auguste. Dans un souci d'uniformisation, cette dernière forme a été retenue. Pour l'indexation, elle a été complétée par ses dates de naissance et de décès afin de le différencier notamment d'Auguste Micaël, son père.

  • Indexation :
  • Personne(s)
    Lemaitre, Auguste (1887-1970)
  • Fonction(s)
    Pasteur/Professeur de théologie/Théologien