"Henri Charles Aimé Noverraz est né le 10 juillet 1915 à Villette, petite commune du Lavaux sise entre Cully et Lutry, d’une mère garde-barrière et d’un père pêcheur. Marié trois fois, père de deux enfants, il s’est éteint à Genève le 8 février 2002.
De son enfance, il garde un souvenir souvent mitigé. Si sa mère lui donne beaucoup d’amour, son père, anarchiste et homme de gauche, éprouve quelque difficulté à gérer ses impulsions souvent violentes. Heureusement, sa grand-mère paternelle d’origine polonaise a nourri son enfance d’histoires magnifiques. Mais le petit Henri est d’une santé fragile. Il souffre d’un diabète juvénile. Dès l’âge de deux ans, il fait de fréquents séjours dans les hôpitaux où il est très entouré par les sœurs qui, néanmoins, omettent de le scolariser. Lorsqu’il retourne chez ses parents, âgé de dix ans, il n’a jamais été à l’école. N’étant pas assez fortuné pour l’élever, son père l’envoie dans un village du Gros-de-Vaud comme ouvrier agricole. C’est dans ce cadre qu’il profite de ses moments de récréation pour apprendre à lire et à écrire à l’âge de seize ans. L’année suivante, n’en pouvant plus des mauvais traitements infligés par son patron, il quitte son emploi.
Il débarque alors à Lausanne. Il a dix-sept ans, se sent naïf mais affamé de savoir. Il n’a qu’une passion, la musique. Le Conservatoire ayant refusé son inscription, il commence alors un travail de porteur dans une droguerie, puis de coursier dans une banque. Son patron l’inscrit aux cours commerciaux. Il devient apprenti et obtient en 1934 un diplôme fédéral d’employé de banque. C’est à cette époque qu’il découvre le Parti Ouvrier Populaire avec lequel il se brouille assez rapidement.
Avide d’expériences, il entreprend plusieurs voyages qui l’emmènent d’abord à Paris où Pierre Naville lui fait découvrir le Trotskisme. Il adhère ainsi à la IVe Internationale. Il vit de sa peinture et la nuit, pour abandonner toutes ses préoccupations de justice sociale, il écrit. En fréquentant les surréalistes, il subit leur influence et s’initie à l’écriture automatique. C’est aussi le temps des belles rencontres, notamment Michaux, Artaud et Breton.
Il participe ensuite à la Guerre d’Espagne en tant que chroniqueur, car son respect de la vie l’empêche de porter des armes. Il est blessé à deux reprises, puis s’embarque pour l’Algérie.
En 1939, la guerre le ramène en Suisse et Noverraz s’installe à Genève. Il s’inscrit aux Beaux-Arts et, pour payer ses études, il joue du jazz dans les pianos-bars. Il rêvait tant d’être musicien et compositeur ! Finalement, dès les années 40, l’extraverti qu’il est va fiévreusement s’exprimer à travers le dessin, la peinture et l’écriture qui sont des moyens d’expression immédiats et qui recèlent moins de conventions que la musique. "La naïveté, l’inculture, le manque de métier ne sont pas très importants quand on a vraiment une pulsion d’exprimer un sentiment ou d’essayer de rendre hommage à la beauté ambiante", confie-t-il dans le Plans-Fixes que lui consacre Jean-Louis Peverelli.
Autonome de nature, il n’a jamais voulu se rattacher à une école ou un courant : "Le formalisme m’ennuie beaucoup. Le conformisme encore plus. Je chéris ma liberté". Jean Starobinski parle "d’une peinture de l’instinct". Noverraz croit devoir beaucoup à ses rencontres, notamment Niquille, Auberjonois et Soutter pour lequel il éprouvait un sentiment de fraternité. Oeuvres figuratives ou œuvres informelles, tant de diversité chez un seul homme semble dérouter la critique. Noverraz affiche continuellement un esprit de recherche, il se remet perpétuellement en question. Le peintre est reconnu, apprécié. En 1965, le Musée d’Art et d’Histoire de Genève présente au Cabinet des Estampes une exposition regroupant plus de deux cents œuvres. Tout au long de sa vie, il a participé à plus de cent expositions collectives et non moins de soixante expositions personnelles qui l’ont conduit à travers la Suisse, la France, l’Espagne, la Bulgarie et le Venezuela.
La reconnaissance des milieux littéraires a été plus lente à se dessiner. Pourtant en 1963, le Syndicat des journalistes et écrivains français lui décerne un diplôme d’honneur saluant "cet auteur dont les mérites sont d’autant plus grands qu’il se forgea absolument seul, parmi les pires difficultés, avec une obstination typiquement vaudoise". Mais Noverraz a le verbe facile, il ne ménage jamais son auditoire. Chaque fois qu’il peut s’exprimer, il ne s’en prive pas. Conférences, débats, articles, il se bat sur tous les fronts. [...]
Outre sa collaboration littéraire à de nombreuses revues, Noverraz a publié une vingtaine de titres, principalement de la poésie mais également des nouvelles, romans, études et une pièce de théâtre. Il laisse également derrière lui de nombreux manuscrits restés inédits."
Notice écrite par Christian de Preux.