Famille originaire de Noyon en Picardie, reçue à la Bourgeoisie de Genève en 1547.
Les Picot : chroniqueurs de leur temps
Les Picot, famille de pasteurs, professeurs, avocats, notaires, plus tard d'hommes d'Etat et de médecins, ont tous une curiosité d'historien : ils établissent des arbres généalogiques et pour ce faire, rassemblent des pièces et actes couvrant des siècles antérieurs.
Mais avant tout, les Picot sont des chroniqueurs de leur temps. Pierre Picot, l'ancêtre, tient un journal élargi dans lequel il mentionne non seulement des faits personnels, mais également ceux touchant sa famille, ses amis et connaissances, ainsi que les événements survenus dans sa cité, et même dans toute l'Europe.
Pierre Picot (1746-1822) est le fils de Jean-Daniel, négociant, et de Jeanne-Pernette Patron. Il épouse en 1775 Marie-Elisabeth Trembley, fille de Jean, pasteur. Après des études de philosophie (1761-1764), puis de théologie (1764-1768) à Genève, il est consacré en 1768. Il séjourne en Angleterre, en France et en Hollande (1771-1772). Il est pasteur à Satigny (1773-1783), puis à Genève (1783-1789). Il est ensuite professeur honoraire d'histoire ecclésiastique (1787-1795), professeur de théologie (1795-1817), recteur (1790-1792) de l'Académie de Genève. Député à l'Assemblée nationale genevoise (1793), il est l'auteur notamment de sermons et d'ouvrages théologiques. [D'après Toni Cetta, "Picot, Pierre", in Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), url: http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F11290.php, version du 14/11/2008]
Son fils Jean, se calque si bien sur son père que leurs correspondance et journaux sont reliés dans les mêmes volumes. Les frères de Jean, Daniel et Albert (Génération II) remplissent eux aussi de nombreux cahiers et volumes relatant leurs voyages et séjours à l'étranger. En effet, tout Picot doit d'abord connaître son pays, puis, afin de s'ouvrir l'esprit, parcourir la France, l'Angleterre et l'Allemagne. Ensuite, revenus à Genève et à Frontenex dans leur propriété familiale, ils poursuivent leur carrière sur le sol genevois sans omettre de continuer à tenir leur journal.
Constant Picot, enfant de la IVe génération pose la plume le 26 avril 1927 après avoir couvert plus de 3200 pages. Là s'arrête la saga Picot. Les générations suivantes ont peut-être conservé la tradition familiale, mais leurs souvenirs ne sont pas entrés à la Bibliothèque.
Concernant les Journaux tenus par les Picot, Jean Eynard écrit en 1865 : "suivant l'excellent exemple de son père, M. le professeur Pierre Picot, il [Jean Picot] a consigné dans un journal qui embrasse une période de soixante-dix années tous les faits intéressants qui se sont passés sous ses yeux. Les détails de la vie de famille, de la vie publique et particulière, les événements politiques, retracés par un témoin véridique […] font du Journal de M. Jean Picot, comme de celui de son père, un des documents les plus précieux de l'histoire de Genève pendant un siècle. Peut-être la famille de MM. Picot consentira-t-elle à déposer un jour, dans notre Bibliothèque, un extrait de ces annales, dont la lecture sera, pour les générations à venir, un moyen précieux d'instruction". [Brochure. Jean Picot. Fragment biographique par Charles Eynard. - Genève, 1865. Pages 27-28. Relié dans "Biographies genevoises, 19", Rec. Le Fort]
Parallèlement aux Journaux, on s'écrit beaucoup. Lorsque les enfants partent à l'étranger, ils écrivent de longues lettres à leurs parents tout en tenant leur journal à jour; de leur côté, les parents adressent lettre sur lettre à leur progéniture, décrivant le train-train genevois. On peut relever à ce sujet les 530 lettres (soit plus de 2000 pages) écrites par Louise Picot à son fils Constant, alors en études à Paris. En filigrane apparaît le vie politique lorsque l'on voit une lettre expédiée de Genève le 22 septembre 1870 et reçue à Paris le 31 mai 1871, le Siège de Paris ayant paralysé le service postal ! [Papiers de Constant Picot, lettres de sa mère Louise Picot, Ms. fr. 7701, f. 759 - 760]
Respect du passé et regard des nouvelles générations
Les Picot ont tenu un Journal dans le but non seulement de laisser un témoignage vivant de leur temps comme nous venons de le voir, mais également afin de transmettre un souvenir destiné exclusivement à leur famille. Pierre Picot écrit: "J'ai toujours regretté que les pères de famille… ne laissent que des souvenirs vagues des événements de leur vie et n'en écrivissent pas une courte histoire… Les enfants de même leurs descendants liraient avec intérêt ces relations quand ceux à qui ils les devraient ne seraient plus…"(voir Papiers de Jean Picot : Volume IV, pièce 1, Ms. fr. 7663). Son fils Jean répète "J'entreprends, mes chers enfants, d'écrire pour vous une histoire de notre famille … je me persuade que cette histoire aura de l'intérêt pour vous." (voir Papiers de Jean Picot : Volume III, pièces 4-11, Ms. fr. 7662). Quant à Adrien (Génération III), petit fils de Pierre Picot, il mentionne "Je pensais que mon souvenir s'éteindrait presque complètement au bout d'un demi-siècle, si la famille Picot se perpétue, quelques studieux descendants liront ces pages qui leur parleront d'une vie… (Papiers d'Adrien Picot, Journal, Ms. fr. 7696, vol. 4, f. 1).
C'est donc sans étonnement que nous relevons dans une lettre écrite par Eugène Picot quelques jours après le décès de son père : "Ma sœur a voulu que nous nous réunissions ce soir chez elle pour le lundi comme à l'ordinaire… Je pense que nous continuerons à lire de son journal." [= journal de Jean Picot] (voir Papiers de Constant Picot, lettre d'Eugène Picot du 12 décembre 1864, Ms. fr. 7700, f. 384-385).
A travers ces lignes, on découvre une tradition de la famille Picot, celle de se réunir régulièrement dans le but de lire les journaux des anciens, de les consulter et de les étudier.
Jean Picot (Génération V) n'hésite pas à puiser dans ces archives de famille afin de rappeler l'inscription au registre des Bourgeois en 1547 de Nicolas Picot, ce dernier ayant quitté Noyon pour sauver sa foi. Jean Picot termine son discours en lisant des fragments du journal de son aïeul Pierre Picot qui parle de son propre journal : "Les enfants et même leurs descendants liraient avec intérêt ces relations, quand ceux à qui ils les devraient ne seraient plus. Elles [les annales de famille] ne sortiraient pas de la famille, pour laquelle seule elles sont destinées, mais elles y demeureraient comme un legs…". [Papiers de Jean Picot : Volume IV, pièce 1, Ms. fr. 7663]
[Tiré de l'introduction de Françoise Pittard, 2002]