René-Louis Piachaud est né le 19 janvier 1896 à Genève, fils de David-Albert (1853-1907) et de Cécile-Louise Jacquet (1858-1938). Ses jeunes années s'écoulent entre sa maison natale de Champel et le petit hôtel particulier de la rue Toepffer appartenant à son grand-père, le chirurgien Louis Piachaud (1824-1890). Son enfance est douloureusement marquée en 1907 par le suicide d'honneur de son père, agent de change, suite à un krach boursier.
En 1920 paraît "Les Jours se suivent", premier recueil sous le véritable patronyme de l'auteur, dédié à son maître et ami Henri Spiess. A sa suite, l'oeuvre poétique de Piachaud compte "L'Indifférent" (1924), "Chansons au bord du temps qui coule" (1929), "Le Poëme paternel" (1932), chef-d'oeuvre dédié à son fils unique Claude-Louis et couronné du prix Edgar Poë, puis "Le Chant de la mort et du jour" (1937), considéré comme le testament spirituel et poétique de l'auteur.
Adolescent, il a peu le goût de l'étude: il préfère écrire des vers dans les cafés de la Vieille-Ville ou courir après les papillons au Salève, en compagnie d'André Naville qui est avec lui le plus jeune membre de la Société lépidoptérologique. Il interrompt en 1913 ses études classiques au Collège Calvin pour mener à Londres, chez son frère aîné, une existence à la fois plus libre et plus studieuse. Cette heureuse initiative a pour résultat, quelques années plus tard, les adaptations saluées par la critique de six pièces maîtresses de Shakespeare. De Londres, il envoie à Jean Violette ses premiers vers qui sont publiés sous le pseudonyme de Marcel Abaire ("Sous un masque d'ironie", 1914).
De retour à Genève après deux ans d'absence, Piachaud fréquente le groupe de la Violette, cénacle littéraire où il rencontre, entre autres, Edouard Tavan et Henry Spiess qui encouragent et guident son entrée en poésie. En hommage, il leur consacrera en 1917 un essai ("Trois poètes: Edouard Tavan, Louis Duchosal, Henri Spiess"). En 1915, il contribue au "Livre des dix", un choix de travaux du groupe de la Violette, pour lequel il compose douze poèmes réunis sous le titre "La Vie en peine" [plusieurs de ces vers se retrouvent dans un manuscrit intitulé "La Vie en vain", Ms. fr. 1243].
Quant à l'oeuvre en prose de Piachaud, elle est profondément enracinée dans le terroir genevois, comme en témoignent les principaux titres : "Le Salève" (1924), "L'Escalade" (1935), "Carouge" (1936) et "Les Histoires d'ici" (1937).
Après son école de recrues en 1916, René-Louis Piachaud suit des cours d'art dramatique et de diction puis est rapidement engagé au Théâtre de la Comédie où, sous le nom de Blois, il joue jusqu'à la fin de la guerre "des bouts de rôles".
Parallèlement, il se lance dans le journalisme en publiant, dès 1916, des poèmes et des articles de critique d'art dans le mensuel "Pages d'Art". En 1919, après avoir renoncé à la vie de comédien, il se marie, devient père de famille et débute comme critique dramatique au "Journal de Genève". Il y est nommé collaborateur régulier en 1934. Ses multiples contributions aux revues et aux périodiques les plus divers va s'amplifier au cours des ans.
En homme de son temps, Piachaud ne dédaigne pas tremper sa plume dans l'encre corrosive de la polémique. Par sympathie (du moins jusqu'au moment de leur brouille) avec Georges Oltramare, le chef de l'Union nationale et contesté rédacteur du "Pilori", il rédige en 1924 un texte extrêmement virulent pour la défense de son ami ("Contre Me Jacques Dicker, conseiller anti-national"). Premier écrit satirique et polémique de l'auteur, il est suivi de quelques autres brillants pamphlets : "Honest Zimmer, ou le joyeux compère de Windsor" (contre Bernard Zimmer, 1929), "La Suisse retrouvée" (contre une pièce de Georges Oltramare, 1939), "Discours sur l'éternelle Anarchie" (édité par le Bureau de l'Entente Internationale anticommuniste, 1937), "Le Roi et les pions, ou le divertissement pédagogique" (réponse au pamphlet de deux professeurs au sujet de sa pièce "Le Roi Lear").
C'est presque exclusivement à la scène que René-Louis Piachaud consacre ses talents de traducteur. Il laisse des adaptations de Sheridan ("La Comédie du théâtre", 1931), de Calderon ("La Dévotion à la Croix", 1939), de Térence ("L'Ecole des pères", 1938) et, surtout, de Shakespeare ("Le Songe d'une nuit d'été", 1923; "La Tragédie d'Othello", 1925; "La Farce des joyeuses commères de Windsor", 1928; "La Tragédie de Coriolan", 1934, oeuvre qui va soulever une véritable tempête politique et apporter à l'auteur une formidable célébrité; "Le Marchand de Venise", 1934, et "Le Roi Lear", 1941).
Outre ces brillantes adaptations, il collabore à la direction de grands spectacles mêlant la poésie, la musique et la danse. En 1929, l'organisation artistique de la partie festival de la "IVe Fête et IIIe Congrès du Rhône" lui est confiée; en 1937, il crée "Genève Chante" pour le Festival Jaques-Dalcroze; puis en 1938, il compose "Hadès et Coré" pour la XXe Fête des Narcisses de Montreux. Il conçoit en outre divers projets, non réalisés, de fêtes et de spectacles en plein air.
De plus, il travaille régulièrement pour la Radio et ceci dès les années 1920 en participant, autant comme réalisateur que comme acteur, à une quantité d'émissions extrêmement variées.
René-Louis Piachaud est décédé accidentellement le 11 novembre 1941. Pour honorer sa mémoire et à l'initiative de Me Paul Balmer, l'Association René-Louis Piachaud est née en 1957. Grâce à elle, la publication par Marc Chouet, en 1982 aux éditions Slatkine, de l'oeuvre complète en cinq volumes a été rendue possible.
[Barbara Prout, catalogue dactylographié 34, f. 72-74]