Robert de Traz naît le 14 mai 1884, à Paris, où sa famille est installée. Son père, qui fait carrière d'ingénieur en France, fréquente Alexandre Dumas fils, Anatole France, Henri de Régnier et Paul Bourget. Robert de Traz reçoit une éducation sévère, dans un contexte protestant. Il effectue sa scolarité en France, mais sa famille se rend souvent en Suisse pour les vacances, et Robert découvre sa terre d'origine avec ravissement. C'est d'ailleurs à Genève qu'il se marie en 1906 avec Valentine Pictet, après une période de travail commercial à Londres.
Robert de Traz est attiré par la littérature. À Paris, il s'est lié d'amitié avec Jean-Louis Vaudoyer, Émile Henriot et Gilbert de Voisins. Après un service militaire qui l'épanouit, il publie en 1913 son premier livre important: "L'Homme dans le rang". Ce n'est pas son coup d'essai puisqu'il a écrit trois courts romans depuis 1908. Mais ce texte d'«esquisses de la vie de l'armée», compte dans l'évolution de l'homme et de l'écrivain. L'ouvrage décrit la psychologie de l'homme de troupe et célèbre les vertus du patriotisme. Robert de Traz poursuivra par ailleurs une brillante carrière au sein de l’armée suisse qui le mènera au grade de lieutenant-colonel à l'état-major général.
Ses activités ne l'empêchent pas d'écrire. Dès 1906, il collabore à "La Voile latine", après avoir fait la connaissance de Ramuz, et en même temps à "La Semaine littéraire", où il tient chaque semaine une chronique. En 1911, il dirige avec Gonzague de Reynold la revue "Les Feuillets", dans laquelle il prône une spécificité littéraire suisse, dégagée de tout asservissement aux autres influences européennes. Même si ce projet a des aspects utopiques, il révèle la volonté d'affirmation du jeune écrivain qui fonde, après la guerre, "La Revue de Genève", une publication qu’il poursuivra sur une dizaine d’années. Bien que sa contribution personnelle n'y soit représentée que par une douzaine d'éditoriaux, il s’y investit corps et âme. Conçue comme «un organe de liaison intellectuelle et de civilisation comparée», chaque livraison veut nouer un lien entre les différents États d'une Europe déchirée. Dans cette optique, Robert de Traz s'assure de prestigieuses collaborations. On relève au sommaire les noms de Sigmund Freud, Rainer Maria Rilke, Luigi Pirandello, Benedetto Croce, Franz Hellens ou Henry de Montherlant.
Pendant la guerre, il ne publie qu'un seul roman : "La Puritaine et l'amour", qui paraît en 1917 et évoque l'histoire d'une passion amoureuse contrariée par la conscience religieuse. Le personnage principal est la ville de Genève dont il décrit l'atmosphère avec précision. Dans les années qui suivent, de Traz signe des articles dans des revues françaises, comme le "Mercure de France" ou "La Revue de Paris", ou dans des publications suisses, tout en poursuivant son œuvre de romancier et d'essayiste. Si la première de ses études, "Essais et analyses" (1926), n'est qu'une compilation et une réédition de textes antérieurs, la seconde, plus originale, est consacrée deux ans plus tard à "Alfred de Vigny". Quant à "L'Esprit de Genève" (1929), il est le résultat d'une réflexion sur la civilisation, dont la désagrégation progressive inquiète de Traz. C'est aussi un plaidoyer pour une Société des Nations bien organisée et fondée sur un avenir serein.
Robert de Traz voyage pendant cette période : il se rend en Europe centrale, puis en Égypte et en Palestine. Fasciné par ces pays, il consacre deux livres à ses souvenirs dont "Le Dépaysement oriental" (1926).
La disparition de "La Revue de Genève", en 1930, touche profondément de Traz. Fatigué et déçu, il se fixe à Paris avec sa famille. Jusqu'en 1940, ne quitte plus guère la France. L'écrivain consacre les dix dernières années de sa vie à son œuvre personnelle, que ses charges journalistiques l'avaient contraint de négliger. Il accepte cependant la présidence de l'Association des écrivains étrangers de langue française, sur l'insistance de son ami Maurice Wilmotte. Il écrit trois romans, dont "La Blessure secrète" (1944), qui évoque la solitude de l'homme dans la société. Mais il consacre aussi son temps à des recherches, entre autres à un témoignage saisissant sur les hôpitaux pour tuberculeux, "Heures de silence", ouvrage qui est aussi une réflexion sur les productions de célèbres malades comme Frédéric Chopin, Novalis ou Katherine Mansfield. Robert de Traz publie d'autres travaux, sur "La famille Brontë" (1939) et sur "Pierre Loti" (1948).
La Seconde Guerre mondiale lui permet une nouvelle fois de servir son pays. Officier supérieur, il est mobilisé, comme en 1914; c'est l'occasion d'une analyse en profondeur du rôle européen de la Suisse, qui, selon lui, n'a pas trouvé sa voie. Ses notes à ce sujet, ainsi que des souvenirs personnels, ont fait l'objet d'un volume, "Témoin", publié en 1952, un an après sa mort, survenue à Nice le 10 janvier 1951.
Robert de Traz avait été élu à l'Académie royale de langue et de littérature françaises le 9 avril 1938 et en 1949 il est décoré de la Légion d'honneur. Son œuvre personnelle, mal connue aujourd'hui, révèle l'idéal de solidarité humaine qui n'a cessé de l'habiter.
[Extrait de la Notice biographique de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique]